Si jamais l’on décide de s’écarter des sentiers battus et essayer de tracer son propre sillon, il faut s’attendre à une opposition farouche de la société pour vous remettre sur le « droit chemin ». Cela à force de mises en garde, de sarcasmes et d’aphorismes du genre :
Ku bërewul ñu bëre daanu sa kaw
Ku amul wéeruwaay day neexa bëmax
Sukk du teree yòbbaale say wòom
Ce sont là quelques unes des innombrables sentences que l’entourage est prompt à asséner à ses membres qui s’aventureraient à passer outre ses règles. Ceux-là qui décident de vivre selon des principes bien établis. Ceux-là qui refusent de s’adonner à des maslaa compromettants.
En fait, ce n’est pas que ces sentences soient fausses ou désuètes, c’est qu’elles sont souvent utilisées en guise de procédés pour vous culpabiliser, vous donner une mauvaise conscience pour mieux vous manipuler.
L’argument de taille que l’opinion brandit pour que tout le monde entre dans les rangs est de dire : Les ancêtres ont déjà tracé le chemin, il suffit de s’y conformer stricto sensu.
Il s’agit de vouloir momifier l’héritage des ancêtres par une formule sacrée et lapidaire : li fi mag ñi bàyyi, entourée d’un halo de sacralité, voire d’infaillibilité.
Pourtant le Coran met en garde contre cette attitude rétrograde qui consiste à figer dans le temps, au nom de la fidélité, les traditions ancestrales. Les prophètes envoyés pour professer la mission divine se sont souvent vus opposer la sempiternelle réponse : Nous avons hérité ces pratiques de nos ancêtres et nous ne faisons que les perpétuer. Et leur réponse a été invariablement : Quand bien même que vos ancêtres étaient dans l’égarement ?
Il ne s’agit point de fossiliser l’héritage des ancêtres en le prenant pour des vérités intouchables et immuables. Il s’agit de voir comment les ancêtres ont répondu aux défis de leur temps, s’en inspirer pour faire face à ses propres défis. Il s’agit d’avoir le courage des ancêtres pour inventer de nouvelles réponses pour de nouvelles questions.
Vouloir appliquer des solutions toutes faites à des contextes différents relève tout simplement de la paresse intellectuelle et d’une fuite de responsabilité sociale et politique, ainsi qu’une trahison de l’esprit même de ces ancêtres auxquels on prétend être fidèle.
Dr Cheikh Mbacke DIOP Enseignant/Chercheur